AU CONFLUENT DE LA HAINE ET DE L'ESCAUT
AU IXème SIECLE
En
ce siècle là, une clameur s'éleva sur toute l'Europe : « A
furare normannorum libera nos domine » ce qui signifie :
« Seigneur, délivrez nous de la fureur des Normands ».
Après
855, ils séjournèrent à plusieurs reprises, et les voilà de nouveau en 874,
puis nous les retrouvons vers 880, y prenant leurs quartiers d'hiver jusqu'en
889. C'est à dire qu'on les revit
pendant 34 ans chez nous.
SITUATION POLITIQUE
DE L'EPOQUE :
CHARLES
II est Roi de France depuis 843, il succède à son père LOUIS le Débonnaire,
lequel n'était pas particulièrement porté à la guerre. Il avait ordonné la
convocation d'un concile pour l'an 838 afin que le clergé puisse « apaisoit
la colère de Dieu, qui paraissoit par les trop fréquente irruptions des
VIKINGS ».
Mais
ici, à Vieux-Condé situé sur la rive droite de l'Escaut, nous sommes en
LOTHARINGIE, suite au partage du royaume de Charlemagne.
L'Escaut
assure la frontière entre le royaume de Charles et de celui de Lothaire.
QUI ETAIENT CES
ETRANGERS ENVAHISSEURS?
Ils
sont surtout connus pour avoir été de sauvages guerriers qui pillèrent nos
régions et toute l'Europe par des raids terrifiants. Toutefois, ils étaient
aussi de merveilleux marchands, de très grands explorateurs et surtout de
fameux constructeurs de bateaux.
Hardis
navigateurs, « enfants des anses », les VIKINGS ont suivi toutes les
côtes, cherchant des embouchures qui leur permettent de pénétrer dans les
terres. Ils ont trouvé le Rhin obturé, l'Escaut et la Meuse se perdant au
milieu de deltas marécageux, parcourant de grandes plaines basses.
L'Escaut,
en particulier, s'ouvre devant eux. C'est une rivière imcomparable qui coule
très lentement et arrose un sol fertile, au bord duquel travaille la plus sage,
la plus saine des populations.
Au
rapport des premiers éclaireurs, ce cours d'eau douce est poissonneux à
souhait. Il traverse de riches pacages vifs en animux. Il baigne le pied de
superbes cités. Dans ses ondes se mirent des châteaux, des moustiers pleins de
trésors, des abbayes prospères. La richesse des abbayes est aussi, ce qui est
bien méconnu, le fait qu'elles jouent en quelque sorte, à cette époque, le
rôle de banque, les gens riches y mettent volontiers leur trésor à l'abri. Le
climat de notre province est pour ces étrangers d'une douceur incomparable.
Alors
très vite est pris le parti des Scandinaves, chassés de leurs terres par les
frimas du septentrion et l'aridité du sol granitique. Tout, en effet, pousse le
viking à partir. A commencer par la géographie et l'histoire, sur ces
territoires de rocs et de forêts, de lacs et d'îles, on manque de bonnes
terres à cultiver. Au Nord, il y a la neige et la glace et au Sud, pendant
longtemps, l'empire Romain.
Mais
quand celui-ci s'effondre et que l'occident entre dans la confusion et la
décadence, les Hommes du Nord peuvent lancer leurs Razzias.
Ces
hommes venaient de Norvège, de la suède et pour les nôtres du Danemark. Une
chronique du temps nous dit qu'ils firent, sur toutes les côtes de France, sous
le règne de Charles II, dit le Chauve, irruption.
La
nécessité les forçait à partir de leur pays pour chercher leur subsistance
ailleurs et faire fortune en d'autres lieux. Le désir du butin les jetait sur
les plus riches contrées. Les suédois se tournèrent tout naturellement vers
les terres slaves toutes proches de leurs côtes. Ils partirent de BIRKA, près
du lac Mälär. Ils commencent par pénétrer les côtes Baltes. Une de leur
tribu, celle des RUSS va donner le nom à tout le pays.
Les
textes médiévaux désignent l'actuelle RUSSIE sous le nom de « Grande
Suède ».
De
lac en lac, de fleuve en fleuve, ils parviennent au Dniepr supérieur, et par
lui à la mer Noire. Au passage, ils fondent les riches places commerciales de
Kiev et dfe Novgorod. C'est sans doute l'appât du gain qui a poussé ces rudes
scandinaves à quitter leurs froides contrées nordiques. Le sédentarisme n'eut
point la préférence du Normand. Comment cet homme serait-il devenu agriculteur
sur un sol aussi ingrat, sous une latitude où le ciel et la terre conspirent
contre les floraisons, les maturations et les récoltes.
Pourquoi
aurait-il à jamais planté sa
tente en ce climat hostile au bien-être comme à l'abondance exclusive de toute
joie physique.
Aussi,
tout naturellement, sa préférence se porte très tôt sur la navigation, le
commerce et au besoin la piraterie.
A
ces raisons s'ajoute un événement climatologique important. Le climat de la
Scandinavie au IXème siècle, s'adoucissant, la population s'accroît
considérablement. Ceux qui ne meurent pas à la naissance ont une espérance de
vie de 50 ans en moyenne.
A
l'étroit sur leur territoire, les VIKINGS doivent alors chercher ailleurs un
complément de subsistance. De plus la coutume du bannissement, comme celle qui
veut que les cadets de famille s'en aille chercher fortune autre part, contraint
nombre d'entre eux à quitter la terre des ancêtres.
Avides
d'aventures et de combats, ces hommes le sont aussi de richesses. Le prestige
des armes dont ils sont passés maîtres à forger et l'accumulation de butins
vont les pousser dans une quête insatiable.
Puis
les décennies passant, renonçant à l'appel de la mer et des voyages, les
pirates font peu à peu souche dans les pays conquis. A partir du Xème siècle,
nombre de ces intrépides marins se font propriétaires fonciers, se
convertissent au christianisme et oublient leur Nord natal.
Depuis
810, les limites du Nord et les côtes de l'empire Carolingien sont la cible des
Danois et les coups de main se multiplient entre les années 830 et 890.
Ces
envahisseurs célèbres pour les raids dans les monastères et les églises du
Royaume Franc et Lotharingien sont-ils des barbares avides de pillages ou des
commerçants avisés? De récentes publications tendent à réhabiliter ces
Scandinaves victimes d'une tenace légende noire.
Tout
d'abord, nous dit DEPPING : les Normands qui parlent le NORROIS, n'ont rien
écrit eux-mêmes sur leurs expéditions en Europe. Ils connaissent l'écriture
runique, déformation des alphabets grecs et romains que leur ont transmise les
Germains.
Ils
n'ont pas de littérature. C'est bien plus tard que les sagas diront leurs
guerres. Nous ne connaissons celles-ci que sur les accusations du clergé qui
écrivait dans les cloîtres encore fumants avec une main tremblante, le sang
encore ému des frayeurs que les VIKINGS lui avaient inspirées. Comment leur
aurait-il rendu justice?
Durant
des siècles, les VIKINGS ont été vilipendés, traités comme un peuple
assassin, cruel et sanguinaire, ne songeant qu'au pillage des richesses d'une
paisible Europe Chrétienne. En les nommant les barbares, l'Europe les
désignait comme des étrangers et des ennemis.
Chaque
peuple, chaque nation, et cela à tout moment de l'histoire, se donne la
sensation d'avoir atteint à un degré de plus parfaite civilisation; en
classant au rang de barbares les peuples et les nations dont il ignore la
civilisation.
La
tradition n'a retenu, de ces envahisseurs, que leurs violences, leurs exactions,
leur avidité et leur paganisme.
ETAIENT-ILS DES
BARBARES?
Si
les peuplades qui franchissent le Rhin au IIIème et au IVème siècle étaient
composées de vrais barbares, au contraire dans le moment même, au IXème
siècle, quand les VIKINGS dévastaient nos provinces, leur patrie était
parvenue à un niveau de civilisation. Assurément, ces rois des mers firent en
pays conquis oeuvre de banditisme, mais la bête humaine, lâchée, ne se
montre-t-elle pas toujours affamée, meurtrière?
Et
parce que ce « Northmann » vient au monde avec une aspiration vers
le bonheur, il rêve d'une mort plus belle que la vie. De toutes ses fibres, de
toutes ses révoltes accumulées, de toue sa foi tendue vers une justice
imminente. Il croit à une autre chose, au VAHALLA, à une seconde existence
embellie de songes paradisiaques, peuplée de personnages démesurés, et de
superbes créatures.
Ce
déshérité éprouve un besoin d'évasion vers les réparations de l'au-delà.
Et en les attendant, nous explique jean Revel, il se rue aux frénésies, au
rapt et aux joies de l'heure présente.
Les
pirates du Nord ont flairé, ont convoité cette Gaule qui est vraiment
tentante, avec la fécondité de son sol, la beauté de ses plaines riches, le
charme de son climat et la prospérité de ses villes.
Il
est maintenant prouvé que ces marins étaient avant tout des commerçants. Le
commerce VIKING qui s'est étendu de l'embouchure de l'Escaut à l'Espagne
musulmane, était un négoce d'objets de luxe ni lourds ni encombrants. Ils
exportaient de l'ambre brut ou travaillé, des cordages, de l'ivoire de morse et
des fourrures.
Les
légendes entourant les pouvoirs de la résine de pin fossilisé et rejetée sur
les rives de la Baltique remontent aux temps préhistoriques.
Les
premiers, les VIKINGS, ont apporté en Europe des perles et des pendentifs
d'ambre.
Ambre gris :
substance flottante à la surface de l'eau, très parfumée provenant de la
digestion par les cachalots de la " SEPIA " des grands poulpes; peut
être utilisé en parfumerie sous forme d'alcool.
Ambre jaune :
résine jaune ou rouge, récoltée sur les rivages de la mer Baltique, provient
des vastes forêts de pins englouties. C'est à la découverte des propriétés
électrostatiques de cet ambre, nommé en grec ELECTRON, que l'électricité
doit son nom.
Sépia :
liquide brun sécrété par les poulpes pour camoufler leur fuite.